A croquer.
Ca se passe dans un train de banlieue, on appelle ça un RER en région parisienne. Et pas n’importe quel train ; un train à deux étages.
Pour une fois, j’ai choisi le premier niveau ; c’est à dire le rase-motte ; puisque je me trouve assis presque au niveau du quai.
Il devait être maxi 16h00 et le soleil m’aveuglait légèrement les yeux ; j’avais choisi le mauvais côté. C’est comme çà quand on monte dans le train en souterrain.
Elle était là, assise à 2 rangées de moi, face à moi de l’autre côté de l’allée. Je ne l’avais pas tout de suite remarquée. Elle portait un t-shirt fuchsia, des cheveux mi-longs décolorés et surtout une jupe flottante noire mate assez courte qui laissait voir ses jambes bronzées.
J’avoue que j’étais plus attentionné par ces derniers éléments que par le modelé de son visage. J’ajouterai que j’étais plongé dans la lecture d’un policier anglais d’une écrivain anglais.
Tout cela expliquera la suite.
Mon parcours en train durait environ 40 minutes ; elle « m’accompagnera » pendant tout ce temps également.
Figé donc sur mon bouquin et sur ses jambes (le soleil m’empêchait toutefois de regarder plus haut puisque ses rayons traversaient la vitre), je ne remarquai pas tout de suite les allées venues de son regard vers moi. Je réalisai qu’elle me fixait profondément quelques secondes puis baissait les yeux et ainsi de suite.
Je retournai à ma lecture tout en étant intrigué ; en effet, elle ne souriait pas du tout. Elle semblait au contraire très concentrée et appliquée, écrivant furieusement sur son carnet. Je ne comprenais pas et en conclus qu’elle avait dû trouver quelque chose de remarquable dans ma silhouette. Peut-être lui rappelais-je quelqu’un ou m’avait-elle déjà vu quelque part.
Arrive enfin la station où je dois descendre. Je me lève et en profite pour passer devant elle et lui jeter un coup d’œil.
C’est alors que je compris son comportement. Bien qu’elle ait un stylo, elle n’écrivait rien du tout. Tout simplement, elle m’avait croqué ; façon de parler, je vis ma tête sur la feuille de son carnet à spirales.
« Pas mal ! », lui dis-je. « J’aime bien le trait et je me retrouve … ».
« Vous voulez votre portrait ? » me demanda-t-elle ?
« Oui » lui répondis-je simplement.
En milieu de soirée, je recevais un mail avec un joli scan du dessin.