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Histoires partielles et partiales
14 juin 2016

Lectrice (1)

Edward-Hopper-Chambre-dhôtel-1931-2

Vous ne m’avez pas cru, et maintenant vous l’aurez. Par cru, j’entends le sens « crudité » et non pas « croire ». N’allez pas imaginer que c’est mon virage bio.

Il s’agit tout simplement d’autres histoires que j’avais conservées sans vouloir les publier.

Une façon de classer les histoires par catégories, comme Simenon classait certains romans en « dur » : ceux avec une intensité dramatique forte.

Je suis avant tout quelqu’un de cérébral, parce que j’aime imaginer et aussi parce que, sans âme, je ne ressens rien quelque soit l’endroit. J’attends alors que le vent tourne, que les choses deviennent plus intéressantes.

J’avais envie d’une liseuse inconnue; qu’elle vienne me lire des textes de son choix. Seule condition : que cela soit bien écrit et que cela soit entouré d’esthétisme. Je me mis en quête d’une jeune femme ; je cherchai plusieurs semaines et je trouvai enfin celle qui semblait correspondre à mes attentes. En ayant discuté avec elle au téléphone, j’ai accroché à sa voix et j’ai senti qu’elle était dans le même trip que moi. Etudiante en master de lettres classiques à la Sorbonne, se destinant à l’enseignement supérieur. Tout concordait apparemment.

Je lui fixai rendez-vous au milieu de la semaine en début d’après-midi à la sortie d’une station de métro. A chaque groupe qui sortait du métro, je dévisageai celles qui semblaient lui correspondre et finalement, c’est elle qui me reconnut. Nous fîmes route côte à côte pendant 5 minutes environ (ainsi nous ne nous sommes pas vraiment dévisagés). Elle eut un moment d’hésitation avant de s’engouffrer dans mon immeuble. Finalement, elle me suivit à cause du sourire que je lui avais adressé quand elle m’aborda à la sortie du métro ; cela l’avait mise en confiance.

Quelques étages plus hauts, nous pénétrions dans mon appartement. Je pus alors la dévisager et contempler sa silhouette à loisir. Brune aux yeux noirs, petit visage souriant et fin. Corps menu et taille moyenne. Elle portait une robe noire garnie de très petits pois blancs. Je lui suggérai de s’asseoir tandis qu’elle faisait le tour de la pièce avec ses yeux. Elle ne me fit pas de remarque sur le décor mais elle avait dû rapidement intégrer le décor dans sa tête.

Je lui avouai qu’elle était la première jeune femme à qui je demandais une telle chose ; je lui expliquai à nouveau que je lui laissais carte blanche sur les textes. Elle avait amené quelques livres érotiques. Je me souviens de cette histoire d’une jeune femme emmenée à plusieurs reprises par une de ses amies chez un inconnu, les yeux bandés sans qu’il la touche. Je me souviens également de celle ou une femme rencontrait son maître avec le seul désir d’être fouettée. Je me rappelle aussi de ces poèmes d’Apollinaire aux mots enchanteurs et sensuels.

Ce n’était pas la première fois qu’elle « lisait ». Elle m’a raconté ses « fois précédentes », toutes différentes. Les avaient-elles inventées ? En tout cas, elles étaient féériques et poétiques. Je me souviens surtout de cet homme qui avaient voulu qu’elle lui lise la pièce Bérénice et qui avait pleuré lorsqu’elle fut arrivée à la dernière ligne de la pièce.

Je perçus à travers ce qu’elle disait qu’elle éprouvait un plaisir à jouer la lectrice ; elle aussi, le faisait pour assouvir son propre fantasme autant que pour voir la réaction de ceux chez qui elle se déplaçait. Elle me confia que dans la vie, elle aimait être regardée par les hommes, elle aimait voir que, selon la tenue qu’elle avait choisi de porter, les hommes réagissaient toujours de la façon qu’elle avait prévue. Elle me fit tout un récit sur les incidences de la forme et de la profondeur du décolleté : elle me cita les regards à la dérobée, pour balancer les yeux vers la naissance de sa poitrine.

Je me résolus à être sage cette première fois, parce que je suis de nature sage et aussi parce que j’aime observer avant de proposer et de faire. C’est d’ailleurs elle qui me dit qu’un peu d’alcool l’aurait aidée. Je pensais et lui proposai des alcools forts.

- Du vin blanc, cela serait parfait me dit-elle.

- Très bien, j’y penserai la prochaine fois, car je veux une prochaine fois lui dis-je. Cela sera la semaine prochaine, même jour, même heure.

- Parfait me dit-elle.

Et nous nous quittâmes ainsi. J’avais envie d’être 8 jours plus vieux.

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Commentaires
I
Bonjour Arigondas ! Je dois admettre que moi aussi j'ai très envie de connaître la suite..! Je vous remercie pour votre passage sur mon blog il y a quelques semaines. La vie est une suite de péripéties. Vous avez raison, l'important c'est que l'envie subsiste. J'ai également beaucoup aimé votre conte de Noël à la station Chatelet.. peut-être parce que, maintenant à moitié parisienne je visualise la scène. peut-être parce qu'il me plaît de penser que malgré les foules et l'agressivité ambiante, certains parmi nous observent encore et voient. Je repasserai ici avec grand plaisir. Le temps me manque souvent. Pardon d'avoir tardé :)
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H
Intuitif, c'est à dire ?
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U
intuitif....
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C
Bonjour g-rome <br /> <br /> Et alors la suite ? <br /> <br /> Bisette
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P
Bonjour<br /> <br /> je ne sais pas si la suite arrivera dans huit jours ou plus tard, mais j'ai hâte d'être aussi "plus vieille" pour en connaître la suite.<br /> <br /> J'aime le côté sensuel et mystérieux de cette première rencontre lectrice- auditeur.<br /> <br /> Mon imagination travaille ...
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