Qui a le droit ?
Un peu dans la même veine que la précédente histoire, je me fais dans la nostalgie et dans la larme à l’œil. Non, rassurez-vous ; je ne fais pas dans le volet « peines de cœurs ».
J’y ai pensé lorsque je suis passé hier à Montparnasse. C’est en fait là que je l’ai rencontrée : moi en entrant dans la Fnac de la rue de Rennes, et elle en y sortant. Elle était blonde, assez grande, carrée, mais avec de ravissants yeux bleus et des lèvres pulpeuses ; je l’ai trouvé jolie tout de suite. Nous nous sommes regardés et à force de le faire plus ou moins à la dérobée, on a fini par se rentrer dedans.
Elle venait d’acheter une série de livres. Comme moi, à cette époque, elle lisait beaucoup. Et puisque son sac était tombé par terre, je lui ai ramassé les livres et j’ai pu voir quelques auteurs. Un dont je me souviens est le cavalier suédois de Leo Perutz, un auteur qu’elle me conseillera et dont elle me donnera le livre par la suite. Façon d’entamer la conversation, je lui parle de littérature et de ses achats.
Je lui propose, si elle a le temps, de prendre un verre à côté. Elle accepte mais pas trop longtemps. Elle avait déjà eu un job puis avait décidé de reprendre ses études juridiques pour devenir avocate. Elle était donc redevenue étudiante et avait la sensation d’avoir à nouveau du temps libre. Pas trop cependant, puisque elle vivait avec un homme et avait un petit garçon. La conversation était facile ; on avait un peu un passé similaire et chacun avait envie de s’exprimer franchement sur sa vie actuelle et passée. Elle n’était pas satisfaite de sa vie présente : son ami était presque tout le temps absent pour son travail et quand il rentrait (tard), c’était pour dormir ou faire les choses qu’il n’avait pu faire avant. Elle m’a avoué qu’elle manquait surtout de tendresse et d’attention.
J’étais sous le charme et comme j’aimais bien la peinture et elle aussi, je lui proposais de se retrouver près de la Pyramide du Louvre demain midi pour aller flâner dans ce musée.
Elle accepta aussitôt et nous nous retrouvâmes comme si nous nous étions quittés il y a 5 minutes. Ce fut magique ; je me souviens que, tandis que nous marchions dans les salles du musée, je glissais ma main autour de ses épaules et je plongeais la main sous son pull pour caresser ses seins ; elle ne portait rien à part son pull. C’était bien.
Nous nous sommes revus plusieurs fois après, et nos corps étaient merveilleusement bien ensemble. Nous nous apportions ce que chacun recherchait. J’ai suivi ses débuts comme avocate : difficiles.
Un beau jour, elle m’annonça brut : « mon père va mourir, je ne souhaite plus que l’on se voit pour l’instant ». Et cet instant a duré (et dure encore). Voulant respecter sa douleur, je lui avais laissé quelques messages de réconfort et n’eus plus de nouvelles.
Parfois, lorsque j’entre à la Fnac, je pense encore à elle que je croisai à l’entrée du magasin. Depuis, elle a publié un livre juridique et il m’arrive de le feuilleter dans les rayons de cette librairie. Personne ne soupçonne à cet instant à quoi je pense en tournant les pages.